« LA BELLE DAME » EST UNE SORCIERE

DUMAS 3

Belle Dame  – Texte, jeu et mise en scène Jessica Fanhan. Co-mise en scène Fatou Traoré. Au Théâtre Varia, Bruxelles, jusqu’au 7 octobre puis en tournée.

Sur la scène, troncs d’arbres, chasse-mouche, un canari peut-être. Des objets exotiques chargés de mort mystérieuse, de rites secrets ou saturnales, de stupre, de divinités ? Patience. N’allons pas trop vite en besogne.

Une ombre apparaît, hallucinante, morbide… Est-ce la « Belle dame » ? La lumière s’empare du plateau. L’ombre quête, regarde, observe une fraction de secondes. Puis, noir total. Co-signé à la mise en scène par Fatou Traoré, le spectacle « Belle Dame » raconte le trajet d’une jeune femme à la recherche de ses ancêtres dans sa Guadeloupe natale. Un travail d’orfèvre qui convoque paysanneries, rites, esclavages, sorcellerie, racisme, sexisme, colonisation. Une autofiction aventureuse. Jouissif !

Même si on regrette parfois l’absence d’idiomes insulaires, le créole, la langue française est remise à sa place… de véhicule. Marlyse Condé, Edouard Glissant, Angela Davis, sont autant d’auteurs traversés par cette pièce rageuse qui mêle fiction et réalité. On y trouve aussi l’engagement de Sartre, la mystique de René Depestre. Les thématiques sont tout autant radicales que la poésie du verbe.

Jessica Fanhan, talentueuse, débordante de vie, de vitalité, de rires, déclame. Sans tâche, enivrant, les silences sont habités.

A la base du travail, une lettre. Un jour, une jeune femme reçoit une lettre de sa grand-mère, qui l’invite à venir jusqu’à elle pour la retrouver. Jeanne est le prénom de cette grand-mère. Un prénom pas commode dans cet univers onirique rempli de sortilèges …Jeanne est morte et sa petite-fille ne la connaissait pas vraiment. Sa réputation de sorcière dans l’île où elle a passé sa vie lui a survécu. C’est une « belle dame » comme on dit. C’est ainsi qu’à la suite de cette lettre, la jeune décide alors de partir sur les traces de cette étrange grand-mère qu’elle n’a jamais vue.

Le spectacle nous conduit dans un monde de divinités, de sortilèges mais aussi de couleurs, d’effluves et de sensations. Mention spéciale à la mise en scène conduite par Fatou Traoré, tout en en délicatesse sur la mémoire. Le côté chorégraphe, coupe et ciseau, permet beaucoup de liberté, de légèreté à la comédienne Jessica Fahnam.

Un spectacle à découvrir, sans nul doute. C’était la dernière au Varia, mais d’autres dates sont prévues dans plusieurs lieux, en Belgique. « La Belle Dame », j’y vais.

Dominique Bela

Musique Dorian Baste – Lumières Gwenaël Laroche. Son Régis Planque. Scénographie et costume Defne Parman

Image: peinture de Marlene Dumas : « Belle Dame Naomi », techniques mixtes

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