« FALLAIT PAS LE DIRE », TOUT HAUT

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« Fallait pas le dire » – texte de Salomé Lelouch – mes  Alain Leempoel, au Théâtre Royal des Galeries, Galerie des Princes, 6 (Bruxelles), jusqu’au 3 mars 2024.

« Une partition libératrice » malicieusement jubilatoire

Entre la libération de la parole, « les petits mots du quotidien » ; les choses à dire qu’on ne peut plus dire ; « les questions existentielles de la vie », l’amour, les secrets de famille, les déchirements, la sexualité, la chirurgie esthétique, la trottinette, la mauvaise foi et le rire : Il ne faut que quelques secondes pour que les spectateurs s’immergent dans ce qui va être une comédie « moderne, intelligente et enlevée », un vrai parcours « libérateur » comme le souligne si bien le théâtre Royal des Galeries. Un spectacle rafraîchissant, drôle et tellement tout le monde, si actuel, aux répliques qui « interrogent toujours » avec le don de l’autrice de « dire tout haut ce que les gens pensent tout bas ». !

La scénographie emmène le public d’un endroit à l’autre dans un décor modulable, très réussi. Sur scène, avec élégance, simplicité et tellement incarné(e)s, quatre comédien (ne)s aux personnages plus vrais que nature – dont l’excellent Bernard Yerlès, Catherine Conet, Hélène Theunissen et Alain Leempoel (à la fois comédien et metteur en scène de ce spectacle) – vont se croiser, s’interchanger, s’interpeller sur des sujets aussi divers que possible, formant tous types de couples (hétéros, homosexuels, etc.). Iels vont révéler leurs désaccords, susciter des disputes, des réflexions, des non-dits, des « qu’en dira-t-on », avec toute la panoplie de thèmes qui posent question tels que : « Que peut-on dire ? Quand ? À qui ? et Dans quelles circonstances ? ». Peut-on se fâcher avec son conjoint en critiquant la belle-mère ? Mentir ou taire la vérité ? Peut-on avoir un avis politique, écologique, sans pour autant heurter le « bienpensant » ? Est-il possible de parler de l’homosexualité, la liberté du genre ou du port du voile sans « stigmatiser » ? Avons-nous le droit, finalement, d’avoir un avis sur tout et de… l’exprimer ? Jusqu’à quel point sommes-nous influencés par la société ou pas? Être divisés entre deux points de vue est-il légitime ? La liberté d’expression doit-elle forcément être un sujet de discorde ? Difficile, de nos jours, de gérer les affinités et la sensibilité d’autrui en étant soi-même, et qui plus est, entouré des technologies modernes, inondé de toute part par les réseaux sociaux et les fake news…

« Humour, amour et secrets les mieux gardés », tout en finesse. Voilà ce que nous propose Salomé Lelouch dont le texte drôle et intelligent révèle sans aucun doute son don artistique, et ce n’est pas la première fois ! Fille de Claude Lelouch, habituée aux arts de la scène et du cinéma depuis l’enfance, c’est pourtant, seule, que Salomé va se construire et prouver, par là-même, son incontestable talent dans de multiples domaines. L’artiste confie au théâtre Royal des Galeries comment lui est venue l’idée de « Fallait pas le dire ». Un texte écrit à la demande de sa mère (Evelyne Bouix) et son beau-père (Pierre Arditi) (qui l’ont eux-mêmes interprété savoureusement sur scène, rencontrant un fameux succès). « Écrire sur le couple, sans parler du couple, en évitant les sujets traditionnels » voilà le challenge que s’est fixé l’autrice. Et autant dire que le public se régale du début à la fin.

Salomé Lelouch précise que « ce que les personnages affirment dans leurs répliques ne correspond pas à leurs pensées ; parfois c’est inversé et parfois ils ne le pensent ni l’un ni l’autre, avec toutefois une capacité à monter rapidement dans les tours et à redescendre tout aussi vite ».

Un judicieux casting du metteur en scène, l’incomparable Alain Leempoel, qui va mettre à sa sauce la pièce originale (jouée à la base par un seul couple) en « mettant en avant le couple sous toutes ses formes ». Formidable !

« Politiquement correct » (nomination aux Molières en 2017), « Ce jour-là », « Qu’est-ce qu’on attend », « Justice », etc., sont autant de créations de celle qui dirige depuis 2018 le Ciné 13 théâtre (rebaptisé Théâtre Lepic). Lelouch pousse tout un chacun jusqu’à la réflexion politique (une passion), défend la liberté d’expression, et bien au-delà, puisque nombreuses sont les très belles causes pour lesquelles se bat l’artiste.

Un clin d’œil à l’excellente équipe créatrice du décor (modulable, esthétique, lumineux, fabuleux), des lumières (des jeux de couleurs illustrant les scènes de vie), des sons, de la musique et des costumes (tout en élégance) (*). Simples, beaux, parfaits tels « les tableaux » voulus par l’autrice Salomé Lelouch, l’ensemble contribue à apprécier plus encore ce spectacle haut en couleurs.

« Fallait pas le dire » (nombreuses nominations aux Molières en 2022), absolument tout le monde s’y reconnaîtra à coup sûr !

À découvrir sans plus tarder jusqu’au 3 mars 2024 (et certainement là où il se jouera à nouveau) dans ce très beau théâtre Royal des Galeries à Bruxelles. J’y cours !

Julia Garlito Y Romo

(*) Distribution : Texte: Salomé Lelouch; comédien-ne-s: Catherine Conet ; Alain Leempoel, Hélène Theunissen et Bernard Yerlès mise en scène: Alain Leempoel; décor et scénographie : Noémie Vanheste; lumières: Laurent Comiant; costumes: Chandra Vellut et assistante: Mathilde Bourguet; décor sonore: Laurent Beumier; peiontyure et décor: Anais Thomas; directeur tehcnique: Félicien Van Kriekinge; régie: Corentin Van Kriekinge et Lou Provendal; construction du décor: Stéphane Devolver; Vigen Oganov; Cédric Kotulski; Inti Renard; alexia Janssens; Laurent Notte; habilleuse: Fabienne Miessen.

Une réflexion au sujet de « « FALLAIT PAS LE DIRE », TOUT HAUT »

  1. Excellent critique, très bien structuré,et très bien présenté.

    La rédaction nous amène à l’intérieur de la scène et nous invite à vérifier avec notre présence l’histoire de nous jours.

    Félicitations

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