« C’EST PAS FACILE D’ÊTRE HEUREUX QUAND ON VA MAL », DIVERTISSEMENT CONCERNANT

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C’est pas facile d’être heureux quand on va mal – mes Rudy Milstein – Théâtre Lepic Paris – Jusqu’au 12 mai 2024.

De l’impact des névroses individuelles sur la vie de couple

Il faut parfois savoir changer de style. Le théâtre couvre des univers très différents : à côté des mises en scène audacieuses, des classiques ou des créations aussi esthétiques qu’émouvantes, fleurit un registre de pièces proches du stand up, avec des textes miroirs de notre monde actuel qui reposent avant tout sur le talent de l’auteur. C’est pas facile d’être heureux quand on va mal est un portrait vif, intelligent et plein d’auto-dérision de trentenaires en proie à leurs démons. Chacun tente d’échapper à ses inclinations défaillantes et récurrentes qui sapent ses relations conjugales. C’est drôle, touchant, pertinent et plaisant. Un moment de détente facile et immédiat.

Après sept ans de vie commune, Nora décide de quitter Jonathan. Elle se réfugie chez Jeanne qui a sa propre dose de malheurs à porter, tandis que Maxime enchaine les histoires sans lendemain et que Timothée attend le grand amour.

Sur la petite scène du Théâtre Lepic les acteurs accueillent les spectateurs avec des chansons des années 80s. Le ton est donné. Un dispositif astucieux fait défiler des éléments de décor, quelques lignes stylisées, un banc aux ressorts multiples. L’essentiel est dans le rythme et les enchainements rapides. Quiproquos et histoires croisées passent à l’énergie.

Ils sont cinq sur scène, trois hommes et deux femmes, très parisiens, affrontant les grands maux de l’époque : chômage, ruptures amoureuses, solitude, maladie, contexte qui exacerbe les contrariétés du quotidien : clés oubliées dans l’appartement, agent ultra procédurier… La prise de conscience et la lucidité des personnages sur leurs travers sont touchantes. Chacun, « paillasson », « raisin sec » ou « pervers narcissique », prend conscience des impacts de ses défauts sur ses relations, et se détermine à les surmonter. Au fil de cette heure et demie, tous réalisent qu’ils répètent les mêmes schémas à l’infini, y compris le psy, et tentent un pas de côté. Et bien sûr, tout est bien qui finit bien, nous sommes dans une « Feel Good » comédie.

Le rire vient de la caricature, des répliques et des situations rocambolesques des destins croisés. Chaque personnage est bien trempé : le « raisin sec » prévoit de faire l’amour à jour fixe dans l’agenda, le « paillasson » n’en finit plus de s’excuser alors même qu’on lui pose un lapin et qu’on abuse de sa gentillesse. Quant aux répliques, elles fusent à cent à l’heure, avec des dialogues vraiment drôles : la vie végane et ultra saine de Jeanne ne lui épargne pas la maladie, acheter un billet pour le Grand Palais devient une aventure. Enfin, les destinées croisées des cinq protagonistes sont sources de révélations et de quiproquos dignes du plus grand théâtre de boulevard.

« C’est pas facile d’être heureux quand on va mal » est une pièce divertissante, juste et bien écrite, avec suffisamment d’auto-dérision pour faire rire de soi un public qui se reconnait forcément un peu dans l’un ou l’autre des caractères.

Emmanuelle Picard

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