« MACBETH », VERSION PAPIER GLACÉ AU FRANÇAIS

macbeth costa

Macbeth – Silvia Costa – Comédie Française – Jusqu’au 20 juillet 2024 (alternance). 

A la Comédie Française, l’italienne Silvia Costa, habituée des scènes d’Opéra, se lance dans une interprétation très visuelle de Macbeth, avec une mise en scène chargée de symboles et d’images dignes de David Lynch. L’expérience est saisissante, les tableaux « stylés », que ce soient les sorcières volantes, l’immense anneau-couronne, ou le confessionnal du château. La noirceur de l’ambition sans limite des Macbeth envahit tout. Pour les adeptes de Shakespeare, l’exercice peut surprendre : au-delà des coupes et arrangements à la marge, la complexité des personnages se dissout dans un trop plein de signes et d’images. On cherchera en vain le lien entre l’œuvre du Grand Will et ces références ecclésiastiques. L’émotion est tenue à bonne distance par ce monde d’images. Les acteurs de la Comédie Française s’en sortent plutôt bien, avec une Julie Sicard fascinante en Lady Macbeth, et des seconds rôles admirablement tenus.

Trois sorcières croisées au lendemain d’une bataille prédisent à Mac Beth qu’il deviendra Duc de Cawdor puis Roi d’Ecosse. Sa femme Lady Macbeth le pousse à tuer le roi d’Ecosse pour que la prophétie se réalise, l’entrainant ainsi dans un cycle de violence dont personne ne sortira indemne…

Cachée derrière un rideau de cheveux, Lady Macbeth attend le public, marmonne et invective. Elle est omniprésente dans la pièce, au point d’éclipser son mari infantilisé au point de prendre une tétine parfois. Soit, Silvia Costa a un parti pris clair, quoique réducteur. Les décors sont faits de symboles : un immense anneau-couronne, des habits ecclésiastiques, Duncan apparaîtra même en Jésus. Il y a de grandes trouvailles, comme la roue mobile qui fait voler les trois habits blancs des sorcières. Les tableaux toujours très sombres sont plutôt réussis, chacun est porteur de message.

Et c’est là que le bât blesse : chaque symbole supplémentaire distrait, éloigne du texte riche et nuancé. A vouloir mettre des étiquettes partout, l’exercice du libre-arbitre de Macbeth, qui reste une des questions centrales de la pièce, est relégué au second plan. Noam Morgensztern fait ce qu’il peut avec cette partition tronquée. Julie Sicard est plus à l’aise, impériale et dominante. La montée de sa folie est à peine visible, éclipsée par les coupes. Là encore le symbole prévaut : un poupon est jeté près du corps de Macbeth à la fin, insistant sur l’absence de descendance du couple, dont le seul projet commun, finalement, a été de prendre le pouvoir.

Les personnages secondaires se tiennent très bien, notamment les trois sorcières efficacement campées par Jennifer Decker, Suliane Brahim et Gaël Kamilindi. Jennifer Decker arrive même à faire sourire dans le rôle du garde ivre du château. Banco (Clément Bresson) et Duncan (Pierre-Louis Calixte) sont impeccables et très crédibles.

Signe des clivages que la pièce peut susciter, les comédiens saluent de manière très tendue à la fin du spectacle, isolés, chacun dans son coin, visages crispés. Il faudra quelques rappels pour les voir sourire, finalement se tenir la main et saluer ensemble.

Emmanuelle Picard

Laisser un commentaire