
MAGAZINE : Photographies d’Hans Silvester au Musée d’Ethnographie – RIP d’Arles, jusqu’au 29 septembre 2024.
Je ne peux pas dire que la pétanque soit mon sport préféré mais la façon dont le travail photographique de Hans Silvester a été exposé au musée d’ethnographie d’Arles m’a ravie comme la plupart de ceux qui visitaient cette exposition.
Il était question là de danse, d’artisanat, d’urbanisme, d’amitié, d’humanité, de philosophie, de poésie, de design, de fraternité, d’humour et d’art bien sûr…
Il est vrai que le photographe avait lui même participé à l’accrochage, rendant son propos plus limpide, extrêmement bien structuré, donnant des pistes évidentes sur la façon d’approcher un groupe d’individu dont on veut tirer la substantifique moelle photographique, avec tout le recul nécessaire que lui confère sa nationalité: Allemande. Du recul donc mais point trop car il n’est ni indien ou chinois mais européen.
Lorsqu’on rentre dans cette ancienne église transformée en salle d’exposition on a le regard tout de suite attiré par l’autel où trône au premier plan une sculpture étagère ronde énorme occultant le chœur tapissé de bois sculpté, ornée de toutes les boules de pétanques de la création érigées en objets précieux et spirituels comme le sont les calices et autres objets d’église.
Ceci donne le ton, décille les paupières, nous allons forcément examiner les choses avec les yeux de l’humour, mais ce sont des choses extrêmement sérieuses.. pourtant c’est un humour léger qui aime les hommes, leurs rituels, leurs jeux qui agit rendant les visages souriants et les yeux brillants.
Hans Silvester a su capter les attitudes, et le travail des corps, si bien que l’on dirait une chorégraphie savamment érigée au fil du temps et des émotions, des ports de bras gracieux et cocasses, des arabesques, des jetés, des fentes. il a su capter les ombres, et les jets de lumières, et le jeu des boules qui s’entrechoquent dans un ralenti savant. Il a su voir et écouter, en tirer la substantifique moelle des conversations des mots d’humour, capter la poésie de ces échanges et cette philosophie issue des habitudes, des expériences, de l’observation. La vie.
Hans Silvester décrypte ses photos au travers de petites stèles individuelles, et de casques, on entre dans sa voix qui raconte la destinée de ses photos, pourquoi, quand, comment, il les a prises. C’est juste, fort, aimant. Il dévoile un univers provençal en voie de disparition même si on joue toujours à la pétanque, un urbanisme pensé pour que les gens se rassemblent et se mélangent de générations en générations. Une façon de vivre où il faut de l’ombre pour être bien et où les choses importantes se disent l’air de rien entre la boule cloutée et le cochonnet. Médiateurs, curateurs, scénographes, prenez les auteurs avec vous lorsque vous exposez leurs œuvres, il est bien possible que ce soit eux qui sachent le mieux les montrer.
En sortant de ces places ombragées immenses où se jouent des pantomimes insolites pour qui sait les voir, reprenez donc une dose de Provence avec les deux derniers étages du musée merveilleusement rénové en 2021, remplis d’objets d’art populaires recueillis par Frédéric Mistral et ses successeurs où l’on découvre avec bonheur la richesse de cet univers rural provençal, des cloches, des moutons, aux caracos et capes des coquettes Arlésiennes en passants par les crèches provençales baroques du 19eme siecle enfermées dans une boîte en forme de télé, ainsi que des Monstres verts, tortues hérissées de piquant venues tout droit, d’on ne sait où.
Claire Denieul