
« Porca Strada », une histoire italienne, de Fabrizio Rongione et Giuseppe Santoliquido; mise en scène de Gabriel Alloing, avec Fabrizio Rongione au Théâtre Le Public, Saint-Josse-Ten-Noode (Bruxelles), jusqu’au 19.10.24
Alors ? On mange ? Seul en scène, Fabrizio Rongione coécrit Porca Strada avec Giuseppe Santoliquido. Le décor nous plonge dans un petit village au milieu de la botte, Monte Canto. Vous connaissez peut-être ? Non ? Au loin, les champs à perte de vue ; devant, la maison, ses chaises, sa table, de vieilles photos jaunies, un joli banc sous un arbre. Au son de la musique, les spectateurs se retrouvent plongés au fin fond de l’Italie pittoresque.
Allo ? Mamma, c’est toi ? Luca ouvre de grands yeux… Non, ce n’est pas possible ! D’origine italienne, Luca à 50 ans. De l’Italie, il connaît les étés bercés par le souvenir de son enfance, son grand-père, le soleil, la maison de sa mère, héritage familial, le parfum de tout embaumant les sens en éveil. Mais c’est Bruxelles qui l’a vu naître. Il y vit avec sa femme et ses enfants. Et là, il est sous le choc. Il est bouleversé. Sa mère lui apprend que la maison de famille fait l’objet d’un avis de démolition en vue de la construction de… una « Sporca Strada » ! Qu’à cela ne tienne ! Poussé par les supplications et le désespoir de sa mère, il va se rendre sur place et élucider cette affaire, voire, empêcher la chose de se faire. Partagé entre son sentiment d’appartenance, Luca va redécouvrir d’un autre œil le lieu mythique qu’est son village et, refusant de voir disparaître son enfance sous les gravats de la corruption des élus locaux, il va se battre avec force, écouter la voix de son grand-père, mais surtout, Luca va se questionner sur ses origines qu’il faut à tout prix préserver, son passé, son avenir, et la transmission familiale. Sur place, celui que l’on appelle « l’attore » va chambouler tout ce petit monde.
Impossible de ne pas s’identifier à cette histoire belgo-italienne lorsque, soi-même, on a été enfant d’immigrés. Espagnols, Portugais, Grecs, Libanais… un retour dans les années 60-70, avec ce petit plus dans le seul en scène de Fabrizio Rongione, la petite touche à l’italienne, avec ses « clichés » et savoureuses anecdotes qui font, entre autre, la part belle à la gastronomie de l’incontournable botte. Une agréable surprise attend d’ailleurs le public avant le début du spectacle : une entrée en matière pour le moins surprenante, amusante et originale à en faire saliver les babines. Mais ! Chut ! pour en savoir plus il vous faudra découvrir Porca Strada au théâtre Le Public !
Tout y passe : la remise en question de l’identité et le cœur qui balance entre deux pays, celui qui nous a vu naître, et celui de nos origines ; le retour aux sources et la manière de voir la politique à la lumière des villes et villages désertés par les gens, où persiste peu d’espoir quant au développement économique de la région. Résultat ? un sentiment d’abandon, une tendance vers l’extrême droite de Giorgia Meloni ; les terres abandonnées à leur sort, le regard porté par les régionaux sur ceux partis à la recherche d’un monde meilleur, vers d’autres horizons, et, leur « suffisance » qui les heurte.
Mais c’est aussi le plaisir de revenir aux sources en plein été, de retrouver les siens (même si les grands-parents ne sont plus là), de goutter les plaisirs d’un village pittoresque, entouré d’une nature au mille senteurs, le parfum des plats typiques, la saveur du vin et le goût inimitable d’un bon café italien, le vrai, l’unique, l’inimitable.
Le Bruxellois Fabrizio Rongione, bien connu du théâtre mais également du cinéma (70 films à son actif), des petits écrans (nombreuses séries), repéré en 1999 par les frères Dardenne (6 films), a plus d’un tour dans son sac, avec le Belge Giuseppe Santoliquido, politologue, chroniqueur et écrivain belge (entre autre), tous deux d’origine italienne, coécrivent cette jolie histoire à l’italienne, inspirée de la leur, avec des nuances, bien sûr, mais une complicité certaine et beaucoup d’humour.
« Porca Strada », on rit, on est ému, on y croit ! à découvrir jusqu’au 19/10/24 au Theâtre Le Public (petite salle) à Bruxelles. Alors ? On y va ?
Julia Garlito Y Romo
Le petit plus : Assistance à la mise en scène: Sandra Raco ; Dramaturge : Giuseppe Santoliquido.
Photo Gaël Maleux