UN « MADAME BUTTERFLY » DE BOB WILSON TOUT EN OMBRE ET LUMIERE

Madame Butterfly – Opéra de Giacomo Puccini (1904) – Mise en Scène et scénographie Bob Wilson (1993) – Co-mise en scène Giuseppe Frigeni _ Direction Musicale Speranza Scappucci – Choeurs et Orcheste National de Paris – Opéra Bastille, Paris, du 14 septembre au 25 octobre 2024.

Samedi 14 septembre 2024, 19h30 à l’Opéra Bastille, soir de première et le rideau ne se lève pas…

Alexander Neef parait sur scène et nous invite à patienter car il y a un ‘problème technique’. Finalement, le rideau se lève avec presque 30 minutes de retard. Est-ce ce retard couplé au trac de la première qui semble un peu freiner l’envol lyrique de cet opéra lors du premier acte ?

En effet, la mise en scène statique imposée par Bob Wilson ne semble pas correspondre pour faire ressortir la joie d’une célébration de mariage comme dans cette scène finale du premier acte entre les deux jeunes mariés qui restent quasi immobiles face au public sans se toucher. De même la cheffe d’orchestre Sperenza Scappucci semble peiner à donner de l’ampleur à la fête. Dès la seconde partie, le drame prend toute sa place et tout est redevenu optimum.

Bob Wilson a créé cette version en 1993, il n’y a donc pas de surprise. Tout est ombre et lumière. Un chemin est dessiné grâce à un ruban de lumière dans un jardin japonais qui ne dispose d’aucun décor mais l’imagination meuble ce vide. Tout est suggéré et l’esprit voyage vers les paysages japonais. Les chanteurs corsetés ne bougent quasiment pas, le statisme qui leur est imposé n’empêche pas de ressentir pleinement leur présence et la force de leur jeu.

Eleonora Buratto est une Butterfly fragile, sa voix cristalline semble prête à se fêler par instants néanmoins sa force réside dans son jeu de scène. Sa présence s’impose en douceur malgré l’immobilisme forcé et le public y est sensible car elle sera plébiscitée lors des saluts. Face à elle, dans le rôle de Pinkerton, Stefan Pop est aussi très présent sur la scène de par sa stature et son imposant costume blanc. Bien sûr, il y aussi sa voix parfaitement équilibrée. La servante Suzuki est campée par Aude Extrémo, qui soutient la douleur de de Madame Butterfly avec sa voix tout en nuance et chaleur, son jeu de scène est aussi limpide que sa maitresse. Le Consul est interprété par Christopher Maltman dont la voix rauque est fort agréable.

Carlo Bosi est Goro l’entremetteur, sa présence pèse sur la scène comme une ombre qui plane sur un paysage. L’oncle Bonze est Vartan Gabrielian, sa voix basse était un peu trop recouverte par l’orchestre. Andres Cascante est il principe Yamadori à la voix claire. Bernard Arrieta est le commissaire impérial dont la voix porte parfaitement. Sofia Anisimova est Kate Pinkerton avec une belle voix chaude, on regrette son rôle si court.

Sperenza Scappucci, après un départ un peu timide, maitrise parfaitement l’orchestre de l’Opéra de Paris et explore avec brio toutes les facettes du drame de la partition de Puccini. Les chœurs de l’Opéra ont eux aussi répondu présent pour ce rendez-vous avec cette tragédie.

Enorme ovation du public lors des saluts.

Valérie Leah

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