« TENIR DEBOUT » : IMMERSION CHEZ LES MISS

Tenir Debout – Suzanne de Baecque – Théâtre du Rond-Point Paris – jusqu’au 6 octobre 2024.

Au-delà des sourires, le récit vibrant d’une immersion chez les Miss

Suzanne de Baecque est un phénomène. Depuis La seconde surprise de l’amour de Marivaux où elle s’est illustrée, au Chapeau de paille d’Italie de la porte Saint Martin, en passant par Vertige, la jeune actrice surprend par son naturel, la maîtrise assumée de son corps, et ses drôleries qui se passent de mots. La voir porter un projet personnel comme Tenir Debout est une occasion de la découvrir un peu plus. A la sortie du Covid en 2020, la comédienne en devenir décide de participer à l’élection de Miss Poitou-Charentes pour comprendre comment des jeunes femmes en viennent à candidater à un concours de beauté « alors qu’une nouvelle parole féministe se libère ». Le spectacle se présente comme une « restitution » de cette expérience, avec deux actrices sur le plateau, une caméra et quelques rushs. Le récit est bourré d’humour, de recul et de découvertes. Il témoigne d’une vraie volonté de comprendre les mécanismes internes de chacune et finit sur une note dramatique touchante. Un joli moment de théâtre.

La petite salle Jean Tardieu du Théâtre du Rond-Point est comble. Sur scène, un écran, une coiffeuse, un portant avec quelques habits à paillettes et un grand espace blanc. Suzanne de Baecque apparait en image filmée dans son propre rôle, avec une robe très courte et défile dans une écurie avant de nous rejoindre sur scène. Le projet est personnel, l’actrice se met en scène elle-même avec beaucoup de recul, que ce soit sur ses peurs de comédiennes ou sur la préparation de son discours de Miss.

La métaphore du concours de beauté et du dressage équestre ne fait que commencer. Elle atteint son paroxysme dans un cours d’anthologie sur la manière de défiler. Le ton est donné, le rire est de mise, le sérieux du concours n’empêchera pas l’humour. Avec sur scène sa complice Raphaëlle Rousseau, qui signe aussi les chorégraphies, elle décrit chacune des étapes du processus, de la sélection aux résultats, avant d’interroger les autres candidates. Les séquences se suivent, les transitions sont plutôt fluides, ce parcours joyeux et enlevé garde une impression de collage d’anecdotes. La déshumanisation où les filles sont traitées comme des numéros, l’esprit de compétition, la bataille pour les robes, la vacuité des discours… le concours des Miss reste pathétique par bien des aspects. En rire témoigne d’un recul salutaire.

Le cœur du sujet est ailleurs. Pourquoi ces jeunes filles mettent-elles autant de cœur dans la compétition ? L’actrice est allée les interviewer et nous restitue leurs parcours, parfois banals, parfois tragiques. L’émotion se niche dans les confidences qui glissent de la superficialité vers l’insécurité, ou le besoin de signes extérieurs de reconnaissance.

Tenir Debout mélange les techniques, les plans filmés et joués, le réel et l’interprétation. Il y a un côté collage qui peut perdre un peu. Suzanne de Baecque est absolument fascinante. Vivement ses prochains spectacles !

Emmanuelle Picard

Photo J.L. Fernandez

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