
Monte-Cristo – d’après le roman d’Alexandre Dumas – mise en scène Thierry Debroux – scénographie Thierry Debroux et Saïd Abitar – avec Itsik Elbaz (Monte-Cristo) et 17 autres comédiens et comédiennes (dont un enfant), (*), au Théâtre Royal du Parc, Bruxelles – jusqu’au 19 octobre 2024.
Pas facile de relever le défi face à l’énorme succès du film « Le comte de Monte-Cristo », (encore à l’affiche) des scénaristes Alexandre de La Pelletière et Matthieu Delaporte, avec, dans le rôle principal, l’excellent Pierre Niney.
La vengeance, une obsession tenace
Le jeune Edmond Dantès (Quentin Minon), tout juste débarqué du navire Pharaon, se voit remettre une lettre par l’empereur déchu qu’il doit faire parvenir à bon port. L’intrigue se déroule en 1815, période de troubles, défaite de Napoléon Bonaparte et restauration de la monarchie ; le peuple est divisé entre partisans de l’ancien régime et ceux qui veulent le changement. Bien qu’ignorant le contenu de l’enveloppe, le jeune homme hésite à la prendre. C’est alors qu’entre en scène le narrateur (Guy Pion) qui lui fait traverser le temps pour visualiser la vie qui l’attend s’il accepte. Le jeune capitaine, promis à un bel avenir et prêt à épouser Mercédès (Anouchka Vingtier) (riche héritière), attire les jalousies de l’ambitieux Danglars (Benoît Verhaert), comptable véreux, auteur de la lettre dénonçant Dantès de complot et de bonapartiste ; les convoitises de son soit disant meilleur ami, Fernand de Morcef (Nicolas Ossowski) (amoureux de Mercédès ; il poste la lettre) et la haine du procureur du Roi, Gérard de Villefort (Jean-Philippe Altenloh), absolument odieux. Ensemble, ils font enfermer Edmond au château d’If, où il y restera durant 14 longues années. C’est dans ce cachot insalubre que Dantès va faire une rencontre qui va changer son destin : l’abbé Faria (Guy Pion). Ce dernier lui révèlera la cachette d’un trésor colossal mais surtout, lui enseignera plusieurs langues, la culture et l’art de la politique, faisant de lui un homme immensément riche et cultivé : Le Comte de Monte-Cristo.
Que sont devenus les traîtres condamnant Dantès à la perpétuité ? Comment Dantès s’échappera-t-il de sa geôle ? Comment assouvira-t-il sa vengeance ? Qu’est devenue Mercédès durant sa longue absence ? Que fera-t-il de son immense fortune ? Pour le savoir, rendez-vous au théâtre Royal du Parc.
Fabuleux décor !
Aléas du calendrier, alors que la version cinématographique est toujours à l’affiche, Thierry Debroux propose « Le Comte de Monte-Cristo » d’Alexandre Dumas (roman « coup de foudre » pour lui), un des plus célèbres grands classiques de la littérature française publié, pour la première fois, en 1844. Dumas, auteur qu’affectionne particulièrement le metteur en scène (on se souvient, en effet, des Trois mousquetaires).
Bien que de nombreuses adaptations aient été réalisées au fil du temps, on ne se lasse pas de cette histoire d’amour, d’amitié, de justice, de vengeance, de moralité mais également de pardon. Pour le Théâtre Royal du Parc, Debroux réalise une version principalement axée sur les sentiments qui traversent Edmond Dantès dans la peau du Comte Monte-Cristo : « Un homme consumé par le désir de vengeance », à qui on a tout volé (liberté, amour, vie). Une vengeance que Thierry Debroux perçoit comme « aussi terrible que l’injustice qui lui avait été faite ». Et pour se faire, il imagine une histoire dans l’histoire. En effet, l’acteur Guy Pion va endosser plusieurs rôles (le lecteur, l’abbé Faria, Morrel et Noirtier), dont celui de « lecteur-commentateur » s’adressant à Edmond Dantès jeune (Quentin Minon). Une façon de se distancer et de mettre en évidence la suite de l’histoire de l’Edmond plus âgé en Monte-Cristo (personnage central incarné par Itsik Elbaz), tourmenté (sans doute trop tard) par le sentiment de culpabilité d’être allé trop loin, entraînant dans son sillage, de nombreuses victimes. À travers ce spectacle, le public entame un véritable voyage dans le mental de Monte-Cristo, « sa seconde prison » finalement. Et c’est là la subtilité de Debroux. Dix-huit acteurs et actrices, une « vaste équipe » comme les affectionne particulièrement l’artiste. Fabuleux et envoûtant décor à la fois épuré et contemporain ! Tableaux graphiques sublimes, panneaux mobiles, décors sonores impressionnants, bruitages, choix musicaux, tout ici impacte les sens en éveil, créant une atmosphère bluffante avec ses projections, le noir est omniprésent, les costumes incroyables. Les acteurs évoluent tant sur la scène que dans les hauteurs, apparaissant et disparaissant en un clin d’œil, saisissant !
Spéciale mention aux formidables créateurs de lumières (Xavier Lauwers), de vidéos (Allan Beurms), le décor sonore (Loïc Magotteaux) ainsi que les costumes (Béa Pendesini) et toute l’équipe.
Après un succès ayant dépassé largement les attentes avec plusieurs millions de spectateurs, impossible de ne pas être tenté par la comparaison de l’adaptation cinématographique (magistrale) de La Pelletière et Delaporte et la version théâtrale de Thierry Debroux captivante tout au long des 3h que dure le film.
Ici, malgré toute la technique mise en place, une mise en scène plutôt originale de Debroux et de sa remarquable co-scénographie avec Saïd Abitar, et, toute l’attention que clairement mérite le spectacle « Monte Cristo », on regrette le peu d’émotion, de sensations fortes, voire, de conviction du côté du jeu.
En attendant son « prochain rendez-vous » avec le « Masque de fer » dans lequel « plongera bientôt » le metteur en scène, « Monte-Cristo » est à découvrir au Théâtre Royal du Parc jusqu’au 19 octobre 2024.
Julia Garlito Y Romo
(*) 18 Acteurs et actrices : Jean-Philippe Altenloh, Cindy Besson, Itsik Elbaz, Nathan Fourquet-Dubart, Lou Hebborn, Jonas Jans, Tiphanie Lefrançois, Lucas Monton, Quentin Minon, Nicolas Ossowski, Guy Pion, Benjamin Van Belleghem, Valentin Vanstechelman, Benoît Verhaert, Anouchka Vingtier et trois stagiaires Melvin Guerez, Luca Ricottone, Clémentine Fargeas-Sichler et les enfants en alternance : Milan Bonnet, Maxime Clausse, Abel Dabeux.
Le saviez-vous ? : Pour son roman le Comte de Monte-Cristo (et même un peu pour celle des Trois mousquetaires), Alexandre Dumas s’est inspiré de l’histoire vraie de François Picaud. Pour en savoir plus, le Théâtre royal du Parc propose deux liens intéressants : https://www.marieclaire.fr/l-incroyable-histoire-vraie-qui-a-inspire-le-comte-de-monte-cristo-a-alexandre-dumas,1477783.asp et https://www.geo.fr/histoire/derriere-le-comte-de-monte-cristo-l-histoire-vraie-de-francois-picaud-220589. Et pour celles et ceux qui veulent en savoir un peu plus sur la vie incroyable de cette auteur célèbre Alexandre Dumas, aux origines afro-descendantes voici deux autres liens à visionner : http://www.youtube.com/watch?v=1g5e10adZQM et http://www.youtube.com/watch?v=Jm6AyfVt9Vs
Photo Aude Vanlathem