« LES SOEURS HILTON » : UN CABARET BURLESQUE EFFICACE, SANS PLUS

Les Sœurs Hilton – Valérie Lesort et Christian Hecq – Théâtre des Bouffes du Nord – du 10 octobre au 3 novembre 2024.

Valérie Lesort et Christian Hecq, metteurs en scène, comédiens et plasticiens, enchainent les créations les plus originales, depuis 20 000 lieues sous les mers à la Comédie Française, jusqu’à La petite boutique des horreurs à l’Opéra Comique en passant par La mouche, Le voyage de Gulliver ou encore Le Bourgeois Gentilhomme. Leur dernier opus, Les Sœurs Hilton, nous plonge dans la vie de deux sœurs siamoises, au XXe siècle, entre bêtes de foires, freak show et bar miséreux. Le résultat est esthétiquement très abouti, avec un parti pris de cabaret qui inclut chant, magie et blagues. La fidèle reconstitution historique peut toutefois laisser un peu indifférent, tant la description prime sur l’émotion, avec un sentiment de rester à la surface des choses.

Nées siamoises à Brighton en 1908, Daisy et Violet Hilton sont rattachées par le bas de la colonne vertébrale et partagent le même système sanguin. « Monstrueuses », elles sont abandonnées par leur mère et adoptées par la patronne du pub où celle-ci travaille, Mary Hilton, qui a très vite perçu le potentiel lucratif des jumelles.

Le dispositif scénique plante le cabaret efficacement : un chapiteau rouge en fond de scène marque l’entrée des artistes, une piste circulaire s’avance vers le public. Les dates repères défilent en haut du chapiteau, un musicien accompagne l’ensemble. Le show peut commencer.

Avec ses mimiques reconnaissables entre toutes, Christian Hecq convoque Mary Hilton sur scène, et brosse un portrait à la fois drôle et rebutant de cette exploiteuse de la misère humaine. Chacun des personnages est marqué d’expressions singulières fortes : le magicien Houdini, le musicien Maurice, les sœurs Hilton même. Le spectacle regorge de trouvailles : apparition des bébés dans le berceau, traversée de l’Atlantique express, bar miteux du Mid-West. Il y a quelques numéros de magie au passage, des chansons de cabaret au goût douteux (voir la leçon de morale de Mary). Tout s’enchaine avec efficacité, à la manière de numéros qui traitent chacun d’un épisode de la vie des sœurs jusqu’à leurs soixante ans.

Leur vie est un drame : abandon, exploitation, marginalisation, célébrité et misère. Leur lien de chair les condamne à vivre collées l’une avec l’autre, ce qui rend leurs aventures amoureuses compliquées. Elles se disputent, se chamaillent sur des broutilles. L’enfer se devine, le spectacle choisit de ne pas s’y attarder.

Les sœurs Hilton est un univers burlesque cohérent bien abouti, qui peine cependant à toucher vraiment, la distance installée restant trop grande.

Emmanuelle Picard

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