
« De L’Au-delà » un projet par Le46prod, écriture et mise en scène : Anton Csaszar, jeu : Jérôme Vilain & Mattéo Goblet, création musicale et musique live : Victor Chastant. Au théâtre les Riches-Claires, à Bruxelles, jusqu’au 31 décembre 2024.
Le « genre horrifique »
Sur scène, c’est la pénombre. Dans un décor épuré, une énorme bâche en plastique translucide couvrant tout le fond, un homme est assis à même le sol, de dos, les bras embrassant ses genoux. Charles (Jérôme Vilain). Soudain résonne la musique, envoûtante, électrique. C’est le début de l’intrigue.
Face au public, une partie du corps éclairé par un néon, l’autre dans la pénombre, Charles narre son histoire, détaillant l’expérience scientifique qu’il semble avoir vécu sans en être vraiment certain. Ou bien est-ce parce qu’il ne peut pas le dire ? On ne le croirait peut-être pas… ? Crawford Tillinghast (Mattéo Globlet) a disparu… tout comme son épouse… Mais comment et pourquoi ? Telles sont les questions que lui pose l’enquêteur (Globlet).
Crawford est son ami. Enfin, au moins au début. C’est un scientifique, tout comme Charles. Un chercheur en physique et métaphysique de génie, obsédé par ses recherches sur le cosmos et l’au-delà. Il cherche à percer les secrets de la matière noire pour pouvoir la contrôler et « maîtriser cette énergie capable de dicter ses lois à une galaxie et la livrer à l’humanité ». Ensemble, ils créent un appareil, qui, à travers une stimulation, promet de percevoir l’existence d’autres réalités dimensionnelles. Crawford veut l’expérimenter sur des humains. Cette idée, jugée trop dangereuse par Charles, creuse un fossé entre les deux scientifiques. D’ailleurs, le CERN (*) désapprouve. Folie ? Qu’à cela ne tienne, Crawford décide de faire cavalier seul, disparait et ne donne plus signe de vie.
Jusqu’au jour où Charles reçoit une lettre l’invitant à se rendre chez Crawford pour vivre une expérience hors du commun. C’est titiller la curiosité du chercheur avide de savoir et, « excité par cette promesse », Charles ne résiste pas et s’engouffre dans la demeure de son confrère. La maison est plongée dans l’obscurité. À l’aide d’une lampe torche, il essaie de trouver son chemin. Ce qu’il découvre le déstabilise. Réalité? Fiction? Ou pénétration dans la psyché de Tillinghast ? Face à lui, l’univers obscur et glauque du cosmos. Un voyage terrifiant, horrifique et terriblement angoissant ou d’étranges créatures inter dimensionnelles font leur apparition.
Que réserve en réalité l’imprévisible Crawford à son collègue Charles ? Quelles sont ses intentions profondes ? Où est passée l’épouse du scientifique fou ? Et surtout que lui est-il arrivé ? Que renferme cette matière noire qui pousse à l’extrême les agissements de Tillinghast ? Les indices jouent contre Charles, saura-t-il prouver son innocence ?
Pour en savoir plus sur ce conte d’épouvante et vivre une expérience théâtrale rare, rendez-vous au Théâtre les Riches Claires à Bruxelles.
Le spectacle « L’au-delà » écrit et mis en scène par Anton Csaszar, s’inscrit dans le « genre horrifique » (« un genre développé à travers le roman gothique puis fantastique ») et inspiré par la nouvelle « From Beyond » de l’auteur américain H.P. Lovecraft. Écrite en 1920, publiée en 1934, la nouvelle a inspiré le film « Aux portes de l’Au-delà » en 1986 (entre autres adaptations). Film d’horreur de Stuart Gordon, ce drame d’épouvante est considéré par certains comme « une pépite du cinéma d’horreur des années 80 ». Anton Csaszar adapte cependant la nouvelle en « s’éloignant drastiquement du matériau de base, actualisant son référent scientifique, tout en étant influencé par d’autres œuvres contemporaines ».
La science-fiction-horreur, est plutôt rare au théâtre. Efficace pour l’Au-delà, le public s’interroge, attend l’issue. L’ambiance est étrange, mystérieuse.
Très bon casting : Jérôme Vilain (Charles), prend possession de l’espace; Mattéo Globlet (Crawford Tillinghast et l’enquêteur/police) très naturel dans son jeu; Victor Chastant, excellent musicien, crée une ambiance hors du temps, intersidérale. Entre jeux de lumières, sons, et prestation physique (Charles), tous trois contribuent à créer une atmosphère intrigante et glauque où l’on se demande vraiment qu’elle va en être l’issue.
L’au-delà est un spectacle pour un public averti et amateurs du genre science-fiction horreur. On peut aimer ou pas, en attendant, la pièce recueille l’ovation du public.
À découvrir au Théâtre Les Riches-Claires à Bruxelles, jusqu’au 31 décembre 2024
Julia Garlito Y Romo
(*) Centre européen pour la recherche atomique
Photo Bartolomeo La Puzina