« LA NUIT DU FILS », UN MOMENT D’OBSCURITE

La nuit du fils, de Giuseppe Santoliquido ; mise en scène : Sandra Raco ; scénographie : Sofia Dilinos ; au Théâtre Royal des Galeries à Bruxelles jusqu’au 9 mars 2025. 

« Rien n’est plus complexe que la nature humaine (…) ». Giuseppe Santoliquido

Lieu mythique de la capitale bruxelloise, le Théâtre Royal des Galeries sort de ses sentiers battus pour s’attaquer à une œuvre dramatique : « La nuit du fils » de l’auteur et dramaturge belge Giuseppe Santoliquido.

Peut-on se satisfaire pleinement de notre parcours de vie ? Nos rêves d’enfant ont-ils été réalisés ou y a-t-on renoncé ? Que font naître nos choix lorsque les aléas de la vie, les nécessités parfois, nous font prendre un autre chemin que celui de nos fantasmes ? Jusqu’où peuvent nous pousser les regrets, les non-dits, les secrets ? « Rien n’est plus complexe, en somme, que l’aventure humaine. Et rien n’est moins personnel non plus…» souligne Santoliquido. « L’impossibilité de renoncer aux rêves qui ont été les nôtres », « la difficulté de composer avec les frustrations que cette impossibilité engendre », « la recherche de boucs émissaires » ou encore (et plus souvent qu’on ne le pense) « l’incommunicabilité générationnelle » ! « Peut-on faire le deuil de celui ou celle que nous avons été ? » Voilà certaines des thématiques que l’auteur aborde dans cette œuvre originale.

La nuit et ses tourments

Pan ! Coup de feu. Collard (Yves Claessens) se réveille en sursaut. Ses cris ont attiré Paul (Frédéric Clou) qui tente tant bien que mal de calmer son père. Ce n’est qu’un cauchemar. Bien que secoué, Collard se détend, s’apprête et somme son fils d’en faire autant. Les affaires n’attendent pas et les journées sont courtes.

Au garage familial, Paul traîne des pieds, peine à se concentrer, n’a aucune motivation. C’est que, ce boulot, cette existence modeste et sans saveur, franchement, ça ne l’intéresse pas. Ce n’est pas l’existence dont il rêvait. Les remarques, les commentaires et les reproches continuels du père sur sa vie « ratée » n’arrangent rien et irritent Paul au plus haut point. Il en devient agressif, colérique même. L’alcool aidant, il s’enfonce petit à petit dans une forme de dépression, de révolte. L’intention de Collard n’est pourtant pas si mauvaise, en tout cas c’est ce qu’il pense. Il tente juste, maladroitement sans doute, de secouer son fils. C’est que, ce garage, c’est toute sa vie. Il s’est sacrifié pour sa famille et quoi de plus normal que de vouloir le léguer à sa descendance ? Madame Collard (Marie-Hélène Remacle) essaie de calmer le jeu lorsque l’un et l’autre se confie à elle.

Mais voilà, rien ne se passe vraiment comme il faut. Cette journée est décidément bien bizarre… Entre cet étrange acheteur italien (Réal Siellez), le livreur un peu loufoque, le Docteur Naelen qui n’a pas l’air de trop s’en faire, son petit-fils Marco en manque d’attention, et Myriam, la nouvelle conquête de Paul, … quelque chose ne tourne pas rond et Collard n’arrive pas à mettre le doigt dessus.

Relations conflictuelles

Le manque de communication, la confusion, l’incompréhension, la culpabilité semblent être le fil conducteur de ce drame familial… Réalité ou passé ? Trouver un fautif est-il un exutoire envisageable ? Les spectateurs s’attachent aux différents personnages malgré leur complexité. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’une issue surprenante attend le public.

Sentiment mitigé

Après « Le bon docteur Gasparri » (2022) et Porca Strada (2024)1, l’excellent Giuseppe Santoliquido, auteur de romans et autres, lauréat de nombreux prix littéraires, s’intéresse à « l’incommunicabilité générationnelle » et aux conséquences qui en découlent. Sujet captivant qui mérite l’intérêt.

L’excellent décor de la scénographe Sofia Dilinos transforme la scène en un atelier mécanique sur deux étages, composé d’un bureau et d’un atelier de réparation où l’on peut admirer une vieille fiat rouge. « L’atelier est un espace où le travail est sacrifice. Souillé et abîmé, il vient contraster l’inconstance de Paul, rêveur porté par ses plaisirs et ses passions » précise Sofia Dilinos. « Construit sur deux étages, il permet d’appuyer la rivalité qui oppose Collard à Paul, et de mettre en exergue, leur point de rupture… » poursuit la scénographe. Un espace de flottement fait peu à peu découvrir aux spectateurs un pan de l’intrigue.

Un sentiment mitigé laisse le spectateur légèrement perplexe. Certaines réparties sont teintées d’humour créant une ambiance étrange dans le déroulement du drame. Quelques éléments de la mise en scène laissent deviner un peu trop vite une partie de l’intrigue, d’autres sont, par contre, bluffantes. Au fur et à mesure du déroulement de l’histoire, le spectateur finit par être totalement happé.

.Excellente Marie-Hélène Remacle dans les deux rôles : Mme Collard et Myriam ; surprenante dans celui de Marco. Amusant Réal Siellez en livreur, le client et le Docteur Naelen. Un Frédéric Clou (Paul), sur la fin, très convaincant. Yves Claessens (Collard) et Frédéric Clou laissent imaginer qu’ils pourraient vraiment être père et fils dans la vie.

« La nuit du fils » au Théâtre Royal des Galeries, à Bruxelles jusqu’au 09 mars 2025. Un roman de Giuseppe Santoliquido à lire certainement.

Julia Garlito Y Romo

Distribution : Frédéric Clou, Marie-Hélène Remacle, Réal Siellez et Yves Claessens.

1 https://lebruitduofftribune.fr/2024/09/14/porca-strada-a-la-peripherie-de-nos-racines/

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