INCAS(S)ABLES, projet porté par la Compagnie Maritime – création de et avec Fabien Robert (seul en scène) – mise en scène : Eric De Staercke, assistante mise en scène : Adèle Crickx et Soazig De Staercke au Théâtre des Riches Claires, Salle Marion, Bruxelles, jusqu’au 28 mars 2025 à 20h30. À partir de 16 ans.
Quoi de mieux que de « décortiquer le système éducatif avec humour » ?
Prendre le temps d’écouter un ou une ado quand ses parents sont absen.tes, des jeunes qui ont le droit de vote à 16 ans et un système éducatif qui pose question… Voilà « la réalité de ces jeunes dit.es ‘incasables’ » que Fabien Robert (avec sa création) -et à travers la mise en scène d’Eric de Staercke- partage avec le public du Théâtre des Riches Claires. Un seul en scène pour essayer de déchiffrer les codes du travail social 2025 en Belgique, pour « raconter, par le jeu et la présence corporelle, des témoignages, des récits et des portions de vies ». Pour Fabien Robert le sujet est aussi « sensible que nécessaire ». Un projet important qui mérite qu’on s’y attarde et pas qu’un peu !
Ugo a 14 ans et se débqt dans les méandres de l’aide à la Jeunesse et se trouve dans une impasse. Il attend, en effet, une place dans un centre et se voit « balloté » d’un service à l’autre. Il accepte de témoigner devant une salle pleine de citoyens de tout âge. Son référent à l’institution depuis bientôt six mois, c’est Hervé (la quarantaine). Ce dernier a bien tenté de rassurer Ugo, de le préparer à ce moment. Mais voilà, les mots ne sont pas toujours perçus comme ils devraient, ou «font disparaître ce dont ils parlent ». Le fait est que, Ugo n’est pas à l’heure… Hervé est inquiet et s’ouvre au public, livre « bons coups », « dilemmes » mais aussi les … « ratés » ! C’est à travers les yeux d’Hervé que le public découvre la vie de cet adolescent sans racine, « incasable » et c’est à travers les frasques de l’adolescent que l’on découvre le rôle et la vie de l’éducateur.
Et s’il pensait connaître son métier par cœur, aujourd’hui, Hervé se rend à l’évidence : tout n’est pas aussi simple !
Et si les jeunes prenaient la parole ? Pourquoi parler de ce sujet ?
C’est pour tenter de répondre à cette question, et bien d’autres, que Fabien Robert et la Compagnie Maritime proposent ce spectacle, sans aucun doute incontournable ! Qu’est-ce le métier d’éducateur ? Un fait est certain il est « mal connu ». Un éducateur ou une éducatrice se limite-t-il /elle à « boire un café, fumer sa cloque ou surveiller » ? Ils ne portent pas d’uniforme et pourtant ils « sont partout » : les services d’aide à la jeunesse, les maisons de quartier, les centres de désintoxication, les crèches ou encore les prisons, les cités, les hôpitaux, les internats, les écoles et même dans la rue ou dans les cités ! C’est dire l’importance de leur présence… Et pourtant ils passent souvent inaperçus, ne sont pas « reconnus » la plupart du temps, alors qu’ils sont bien là pour accueillir les « reclus, les êtres vulnérables, perdus », essayant de trouver des solutions aux « maux de la société », d’offrir leur soutien, leur aide, leur écoute « aux plaintes », aux personnes souffrant de tout type de violence. « L’éducateur et l’éducatrice tentent d’approcher ces « êtres hors-normes, ces opprimés, … » pour les « accompagner entre rejet ou accueil ». Et de souligner que, bien souvent, pour ces travailleurs sociaux, apporter le « soin aux réponses » est mis à mal par la « faute de temps et de moyens ».
Le metteur en scène, Eric De Staercke, a rencontré Fabien Robert (comédien et éducateur depuis 230 ans) à l’iAd. Ensemble, ils ont partagé leurs expériences dans les services d’aide à la jeunesse où Eric a œuvré pendant 8 ans. La situation de ces enfants est invisibilisée dans notre société, , raconte De Staercke, et ce spectacle permet d’apporter un regard neuf et sans concession. On rit, avoue-t-il, mais on n’en sort pas indemne !
Incas(s)ables », terme professionnel très souvent utilisé pour de jeunes enfants cabossés, malmenés, retirés de leur familles, souffrant de troubles divers. Des cas dits « complexes ».
Heureusement, plusieurs reportages, documentaires et films existent depuis quelques années sur ces « Incas(s)ables qui méritent certainement qu’on s’y intéresse de près. Avec l’idée de se pencher sur le vécu et le parcours de ces jeunes adolescents pour arriver à un principe d’égalité. Se préoccuper de la protection de ces enfants c’est les rendre visibles et essayer de valoriser des modèles et des structures mises en place et souvent inconnues du grand public pour arriver à un effet domino !
« Voguer à contre-courant des idées-bateaux ; Et des pensées sous-marines ; Préférer le tour du monde en solidaire aux croisières mondaines ; Lever l’encre pour combattre la marée noire. » Compagnie Maritime
La Compagnie Maritime, créée en 1988, est reconnue depuis 2002 par la Fédération Wallonie Bruxelles, Service de la création, comme compagnie de théâtre action. Et concrètement, de quoi s’agit-il ?: « Le théâtre action n’est pas une technique, mais une démarche qui articule l’outil du théâtre autour des ateliers menés par des personnes fragilisées d’une part, et avec des comédiens.nes professionnel.les d’autre part ».
C’est avec le secteur associatif que la Compagnie Maritime mène « des réflexions sur le sens même de leurs actions en installant des liens durables entre celles-ci ». Les spectacles proposés sont d’ailleurs « construits et alimentés » par les animations et les interventions de ce secteur associatif. Leurs spectacles (et ateliers) sont tout public, mais également ciblés pour les jeunes adultes et se jouent même au-delà de nos frontières.
Comment est-ce d’être ado en 2025 au « cœur de l’aide à la jeunesse » ? « Qui, pour prendre le temps d’écouter un ou une ado quand ses parents sont absents ? ». Quelle est la place que nous donnons à notre « conception du temps », à « l’écoute » des autres, et concrètement des ados ?
« Incas(s)ables », une pièce qui parle d’abandon, d’adoption, de famille d’accueil, de maternité, de violences physiques, psychologiques et émotionnelles, de chantage, de santé mentale, de dépression, de comportement autodestructeur, de trouble psychiatrique…
Il semble que la pièce fait mouche, que le public accroche et que Fabien Robert cartonne. Émotion garantie!
À voir absolument ! Jusqu’au 28/03 au théâtre des Riches Claires à Bruxelles.
Julia Garlito Y Romo
LE BRUITDUOFF TRIBUNE 