
« Il Viaggio, Dante » – Opéra en sept tableaux de Pascal Dusapin – D’après Dante Alighieri, Vita nova et Divina Commedia – Livret de Frédéric Boyer – Mise en Scène de Claus Guth – Direction musicale Kent Nagano – Créé en 2022 au Festival d’Aix en Provence – Palais Garnier, Opéra national de Paris, jusqu’au 9 avril 2025 – 1h50 sans entracte.
Créé en 2022 au Festival d’Aix-en-Provence et entrant cette année au répertoire de l’Opéra national de Paris dans la mise en scène signée d’un habitué des lieux Claus Guth, l’opéra en un prologue et sept tableaux Il Viaggio, Dante de Pascal Dusapin propose une histoire à la fois mystérieuse et envoutante.
Prologue : une vidéo en noir et blanc est projetée sur le rideau du fond de la scène. Tout commence par un accident de voiture, on y voit Dante conduisant alors qu’il a l’air exténué, il semble poursuivre une jeune femme Béatrice qui tel un fantôme le hante jusqu’au moment où la voiture heurte un arbre. A partir de là, les tableaux s’enchaînent sur les rencontres que va faire Dante jusqu’à la fin car en fait nous vivons ses dernières minutes de vie : il se sent jugé, revoit sa jeunesse et sait la fin proche…
Le coté onirique et hallucinant de l’histoire est parfaitement rendu par les vidéos de Roland Horvath. La scénographie et les déplacements du décor et des chanteurs sont d’une grande précision afin de nous faire ressentir au mieux les tourments qui assaillent Dante. Le tableau des limbes est particulièrement frappant et impressionnant. Lorsque la musique s’achève, le public se déchaine même si certains se demandent si c’est vraiment la fin ou un nouveau commencement.
Le chef d’orchestre américain Kent Nagano est visiblement impliqué dans la lecture de la partition. C’est avec maitrise qu’il dirige l’Orchestre National de l’Opéra. Il faut noter que les Chœurs ne sont pas sur scène mais dans la fosse avec les musiciens et ils livrent une prestation de très belle qualité.
Bo Skovhus est un Dante vieillissant, couvert de sang, hanté par ses visions. Son jeu est à la hauteur de son chant, est ce que ce qu’il vit est réel ou tout est dans sa tête ? Virgilio est interprété par David Leigh, son rôle de berger ou guide est mis en valeur par sa tenue et sa coiffure. Sa profonde voix de basse nous charme. Il sera fort applaudi lors des saluts.
Le jeune Dante c’est la magnifique Christel Loetzsch, totalement en opposition avec sa version âgée et pourtant totalement Dante dans son jeu avec une jolie voix ronde et dynamique. Jennifer France est l’incarnation de Beatrice qui dégage une froideur absente juchée sur de hauts talons et une robe rouge sang. Sa voix cristalline nous séduit. C’est Danae Kontora qui remporte tous les suffrages à l’applaudimètre en jouant une sainte Lucia robotique à souhait qui de son regard aveugle transperce Dante. Sa voix possède une clarté et un timbre remarquable, on l’imagine parfaitement dans le rôle de la Reine de la nuit.
Celui qui incarne le mal absolu est joué avec plaisir par Dominique Visse, le contre-ténor joue des possibilités de sa voix avec talent et joue une version travestie de Beatrice très particulière. Enfin Giovanni Battista Parodi est le narrateur avec une voix de basse solide de cet étrange voyage tel un clown blanc dans un cirque déjanté dans un costume à paillettes.
Valérie Leah
Photo MONIKA RITTERSHAUS