« LA SÉPARATION », UN HUIS CLOS FAMILIAL GRINÇANT, PORTÉ PAR CATHERINE HIEGEL

La séparation – mes Alain Françon – Les Bouffes Parisiens – Jusqu’au 30 novembre 2025

C’est l’un des événements de cette rentrée théâtrale : Alain Françon, grand metteur en scène français qu’on ne présente plus (La seconde surprise de l’amour, Un chapeau de paille d’Italie etc.), monte La séparation, une pièce rarement jouée de Claude Simon, prix Nobel de littérature, avec Léa Drucker et Catherine Hiegel notamment. Ce huis clos intimiste s’étire dans une maison de campagne aux airs de Tchekhov. L’ennui perle, l’inactivité écrase tandis que la mort rode. La facture est classique, le langage souvent plus littéraire que parlé. La tension monte au fur et à mesure des révélations. Après un début poussif, la pièce gagne en profondeur et en intensité pour qui s’accroche à cette langue riche et singulière.

Dans une vieille maison de famille, deux couples attendent la fin de l’agonie de la vieille tante Marie. Côté jardin, les jeunes, Louise et son mari Georges. Côté cour, les parents de Georges, Sabine et Pierre, qui a été élevé par Marie. Un mur sépare les deux cabinets de toilette où chacun règle ses comptes.

Le décor est réaliste, teinté de jaune orange, les fenêtres donnent sur la campagne. Dans le rôle de Louise, Léa Drucker joue tout en retenue, gardienne de secrets, reine des non-dits. Face à elle, Pierre-Louis Garel est un Georges débridé, veule, que l’on devine joueur et infidèle. La tension entre eux se devine à chaque révélation, l’ensemble reste somme toute assez fade.

Il faut toute la flamboyance de Catherine Hiegel pour rallumer la pièce. Quelle comédienne ! L’ancienne sociétaire de la Comédie Française a du métier et le montre. Cheveux rouges, peignoir bariolé, elle est impériale, tout en outrance, s’apitoyant sur son sort, hurlant au scandale, à l’abandon devant les gestes de la coiffeuse, de son mari et de son fils. Elle brouille les frontières : y a-t-il un fond de vérité dans les énormités qu’elle dit ? Comment se comporte vraiment son mari ? Chaque pas franchi en dit un peu plus sur son couple comme sur celui de son fils.

L’intensité de la pièce vient de la mort imminente de Marie qui a dédié sa vie à son neveu Pierre. Invisible, sa présence est rappelée par son infirmière bossue, sorte de gardienne des enfers, qui revient périodiquement faire son rapport. L’inéluctabilité de la mort force les protagonistes à faire des bilans et à envisager le temps qui reste. Que faire maintenant ? Où aller ?

La séparation est un drame intense, ardu parfois, plutôt bien servi par un quatuor d’acteurs dominé par Catherine Hiegel, et qui se cherche encore un peu.

Emmanuelle Picard

Photo J.L. Fernandez

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