
LES NOCES DE FIGARO – Opéra-Buffa en quatre actes (1786) de Wolfgang Amadeus Mozart – Livret Lorenzo Da Ponte, d’après Beaumarchais – Mise en scène : Netia Jones – Direction musicale : Antonello Manacorda – Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris – Durée : 3h30 avec 1 entracte – Langue : Italien – Surtitrage : Français / Anglais – Durée 3h30 avec entracte – A l’Opéra Garnier Paris, jusqu’au 27 décembre 2025.
De retour au Palais Garnier, l’opéra-bouffe de Mozart n’a pas perdu de sa vitalité. « Les Noces de Figaro » mérite bien son sous-titre : « la Folle Journée », car en ce jour de mariage de Figaro et Susanna, les surprises et les quiproquos se succèdent à un rythme soutenu. Le maitre, le Comte Almaviva, voudrait faire appliquer son droit de cuissage sur Susanna. La Comtesse Almaviva veut que son mari volage lui revienne et provoque sa jalousie. Figaro doit aider Cherubino à fuir l’ire du Comte. Marcellina vient réclamer à Figaro de se marier avec elle car il n’a pas honoré une dette… Oui, il se passe de nombreuses choses !
Inspiré du très controversé Mariage de Figaro de Beaumarchais de 1778, c’est en 1786 que Mozart travaillera avec l’abbé Da Ponte comme librettiste, pour une première collaboration ensemble, sur cet opéra en atténuant certes le propos polémique de la contestation populaire qui couve. C’est un succès dès les premières représentations et qui ne se démentira pas jusqu’à nos jours. La metteuse en scène Netia Jones a choisi de transposer l’action de nos jours dans les coulisses même de l’Opéra Garnier mettant l’accent sur le harcèlement sexuel (dès l’ouverture, un prédateur tripote une jeune ballerine, les affiches de protestation contre le harcèlement). C’est elle aussi qui est en charge des costumes, des vidéos et des décors. Lors de la première partie, nous voyons simultanément ce qu’il se passe dans trois loges de l’opéra. Il y a beaucoup à voir sur le plateau, l’action s’étalant souvent d’une loge sur l’autre car elles ont des portes communicantes qui s’ouvrent à la volée comme dans du théâtre de boulevard. Les deux premiers actes passent très rapidement (1h35) car nous sommes très sollicités visuellement de toute part, néanmoins cela peut déstabiliser certains spectateurs, surtout s’ils doivent en plus lire les sur-titres. cependant le jeu des chanteurs est tellement expressif que la lecture des sur titres n’est vraiment pas une obligation. Après l’entracte, l’action est sur un plateau unique où nous suivons comment la vérité sur le Comte va éclater.
La direction musicale est assurée avec talent par Antonello Manacorda. Il propose une direction nerveuse mais pleine de nuances et sa gestuelle est d’une précision. Il faut noter que l’on ne voit pas beaucoup le Chœur de l’Opéra de Paris dirigé par Alessandro Di Stefano. Il est en retrait des chanteurs, cela n’entrave en rien sa prestation fort agréable.
Casting : honneur aux dames ! Il faut des femmes de caractère pour faire face aux deux premiers rôles masculins : Sabine Devieilhe est une Susanna respirant la joie de vivre avec une allure mutine. Sa voix est d’une délicieuse clarté même quand elle se retrouve dans des positions peu confortables pour chanter, son jeu est un plaisir des yeux tellement il est expressif. On sent sa complicité avec la Comtesse Almaviva qu’Hanna-Elisabeth Muller anime avec beaucoup de douceur et finesse . Ses deux grands airs sont un bonheur de délicatesse. Triomphe des spectateurs pour ce duo féminin.
Le Comte est joué par le baryton Christian Gerhaher qui fait ses débuts à l’Opéra de Paris, on adore le détester tant son jeu est réussi envers les femmes : arrogant et sûr de lui. Sa stature imposante et sa voix puissante, capable de jolies finesses, en font un Comte vraiment réussi. Gordon Bintner est Figaro, c’est un baryton-basse et il maitrise son rôle tant dans le jeu que dans le chant cependant nous l’aurions encore plus apprécié s’il semblait vraiment fâché à l’encontre de son maître, ils seront eux aussi ovationnés par les spectateurs.
La mezzo soprano Lea Desandre incarne dynamiquement un Cherubino à la fois facétieux et séducteur à fort potentiel (le ‘Voi que sapete’ en face à face avec la Comtesse est troublant de sensualité). L’ovation du public est encore là .
Le reste des chanteurs est en harmonie avec les héros de cette folle journée : Marcellina (Monica Bacelli), Bartolo (James Creswell), Don Basilio (Leonardo Cortelazzi) et Don Curzio (Nicholas Jones) apportent leurs talents lyrique et comique à cet opéra fort drôle.
A l’Opéra Garnier, jusqu’au 27 décembre 2025.
Valérie Leah


Photos Vincent Pontet / OnP